[A Place To Bury Strangers] accrochez-vous !

Date : vendredi 1er avril 2022

Finalement décidé à aller au Trabendo en ce vendredi soir, j'ai surmonté les obstacles techniques (un billet payé sur le site officiel, mais non considéré comme payé par le vendeur - ça s'est réglé assez vite tout de même) pour arriver pile à l'heure indiquée sur ledit billet, soit 20h tout rond, et je constate alors que la première partie a déjà démarré (depuis un quart d'heure, apprendrais-je plus tard dans la soirée). Je me précipite alors pour trouver une bonne place, mais vu la faible densité de spectateurs, j'ai malheureusement le choix...

Remarquez, j'ai pressé le pas, mais sans savoir à quoi pouvait correspondre la musique de Lunacy, et je n'imaginais pas un instant me trouver devant un one-man-band pennsylvanien, en version cagoulée et bien caché derrière les lumières aveuglantes, à chanter (?) d'une voix déformée et sombre sur des musiques créées par ses machines et quelques bandes... C'est donc bien sombre, assez technoïde, et je dois avouer qu'au bout du quart d'heure d'écoute (avec le quart d'heure raté, ça fait une première partie d'une demi-heure), je ne sais pas trop quoi en penser : sans nier une certaine attraction irrépressible devant ce qu'il se passe sur scène (et dans les enceintes), je ne me pains pas forcément de voir les lumières se rallumer...

Le temps de passer du côté du bar (toujours pris d'assaut), avec un œil rapide sur le merch' qui s'est installé juste à côté (d'habitude il est plutôt à l'entrée de la salle, mais c'est peut-être pour éviter les courants d'air...), et on retrouve une place en face de la scène, avec un public qui subitement est devenu très nombreux, on est rassuré (c'était pareil il y a trois ans, mais on n'aurait tout de même pas misé un kopeck sur cette invasion subite des lieux), et on est même presque surpris lorsque les lumières s'éteignent à 20h45, sachant que le groupe n'a pas l'habitude de s'éterniser sur scène. Mais vu qu'il y a une deuxième soirée dans la salle après ce concert, on comprend mieux qu'il s'agira de vider les lieux dès que possible pour rentabiliser au maximum la soirée...

C'est donc un trio guitare-basse-batterie qui s'installe, et c'est presque le dernier moment où on aura l'occasion de bien voir A Place To Bury Strangers, puisque comme pour la première partie le préposé aux lumières aura le droit de se lâcher (et ne s'en privera pas), entre lumières blanches aveuglantes, ambiances très sombres quasi noires, et même un jet de fumée gratuit, histoire d'en profiter à plein. Et le groupe va ainsi pouvoir se donner à fond, comme toujours, avec l'habituel guitariste-chanteur (et seul membre original) très bien accompagné par le couple basse-batterie (Ceremony, dans une autre vie, le bassiste ayant également accompagné le guitariste dans Skywave il y a une vingtaine d'années)), la batteuse étant impressionnante de puissance et de décontraction mêlées, alors que beaucoup de choses reposent essentiellement sur elle. Il y a trois ans, au même endroit, le groupe noise/shoegaze (la définition du genre shoegaze m'est toujours difficile à donner) m'avait scotché, avec des envolées qui m'avaient évoqué Joy Division ou Jesus and Mary Chain autant que Suicide ou les Raveonettes. Ce soir, sans remettre en cause ces références plus qu'honorables, je peux en rajouter d'autres, puisque suivant les moments et les titres, c'est ici Bauhaus ou Alien Sex Fiend qui me viendra en tête, là ce sont les Magnetix qui s'y insèrent, ailleurs j'entendrais des connexions avec les 80's Matchbox B-Line Disaster ou encore Killing Joke... Cela ne signifie pas du tout que le groupe ne serait qu'un imitateur, au contraire il réussit à intégrer des rythmes et sonorités très distinctes, et reste d'un bout à l'autre du set totalement addictif pour les oreilles (et les yeux, quand on peut), y compris quand la noise se calme pour se ralentir et se transformer en une expérimentation sonore (il y aura également des expérimentations visuelles, comme des jeux sur les lampes, ou le fait de tenir à bout de bras autour de soi un ampli), ces instants plus calmes ne signifiant pas qu'une interaction va se créer avec le public : à part quelques sourires, le groupe ne va pas s'attarder à remercier, présenter ses titres ou donner des explications, il est là pour jouer, ne pas perdre de temps, et comme il le fait excellemment bien, on ne lui reprochera pas de ne pas se soucier des spectateurs ! Remarquez, le public n'est pas totalement ignoré, puisqu'au bout d'une demi-heure de set le guitariste et la batteuse viennent s'installer dans la fosse, l'espace d'une dizaine de minutes, sans que la prestation en perde la moindre once d'énergie, c'est un rituel qui fonctionne toujours bien. Vocalement, le bassiste ne laisse pas non plus sa part aux chiens, cela offre une certaine latitude au guitariste pour arpenter la scène, et s'éloigner de son micro, faire des moulinets avec sa guitare, s'emparer d'un fût de batterie pour faire mine de le balancer au sol, c'est donc un show total, mais même si cela semble gratuit cela apparaît totalement naturel et ne choque personne.

Au bout d'une heure, le groupe fait une rapide esquisse de départ, avant de revenir pour un rapide rappel, accompagné pour le coup d'un second guitariste, histoire de finir de détartrer les oreilles des derniers spectateurs qui y auraient échappé, et c'est subitement la fin du set, après 70 minutes explosives, jouissives, totalement réussies - je ne regrette pas de m'être décidé au dernier moment de venir !

La suite, ce sera donc Bodega mercredi à la Maro, ou la veille les Whodunit au QG Oberkampf si j'ai du courage...