[Fuji-Joe/Jenny's Dancing/Greatland] bien enchaînés

Date : samedi 30 décembre 2023

Difficile de savoir si le Supersonic va être rempli ou pas en ce dernier samedi de l'année, car si on sait que le lieu est toujours très prisé, l'affiche 100% française est susceptible d'avoir incité les noctambules à rester chez eux pour anticiper les beuveries du lendemain...

De fait, la salle est quasiment bondée dès le début du set de Greatland, un trio parisien classique (guitare-basse-batterie) qui affiche une volonté punk-rock sur son Bandcamp, même si les enregistrements qui y figurent semblent dater d'une époque ancienne, lorsque le groupe était un quatuor, dont seuls ont subsisté les bassiste et batteur. Et si d'entrée de jeu j'entends des choses anciennes de type Bijou ou Téléphone, cela ne dure guère, très vite on se retrouve plutôt du côté d'un genre de pop-punk californienne, à la Green Day dans les bons moments, mais qui assez rapidement s'avère très voire bien trop propre, et ne risque pas de déranger les oreilles des spectateurs. Le batteur tente de faire le show en agitant les bras toutes les trois secondes, c'est gentil, en revanche quand il s'empare de plans heavy metal dans son jeu (de type double pédale lourdissime), on a vraiment du mal à le suivre, d'autant que cela n'apporte pas grand chose aux morceaux décidément bien aseptisés. S'il y a du punk là dedans, ce n'est pas celui que j'écoute et vois régulièrement sur scène, d'ailleurs la gentille invitation au pogo du chanteur-guitariste ne réussit pas vraiment à agiter les premiers rangs, et si un titre en fin de set se révèle enfin un peu énervé, cela fait tout de même très peu sur une prestation de 40 minutes. Pas convaincu donc par ce qui n'aura été qu'un amuse-gueule sans saveur, et qui n'aura laissé que très peu de souvenirs une fois que les lumières se rallumeront.

C'est un quatuor qui enchaîne ensuite : Jenny's Dancing vient d'Antony, se revendique comme pratiquant un "Garage/Punk alternatif pour s'aimer et danser jusqu'au bout", mais très vite on va constater que le son du groupe, sans savoir si c'est volontaire ou si c'est une difficulté de gestion de l'ingé-son, va consister en une mise à plat de l'ensemble des instruments et des voix, avec au final les deux guitares qui se retrouvent quasiment inaudibles, tout repose donc sur la section rythmique et sur les voix, ce qui limite donc l'ampleur des morceaux. On va donc écouter ce concert en essayant de deviner les ambitions des musiciens, le son du groupe est plus rude que pour Greatland, c'est également plus rythmé et énergique, et on y retrouve un petit aspect bordélique qui n'est pas pour me déplaire. En sus, le chant, partagé par la bassiste avec l'un des deux guitaristes, se révèle dans sa partie féminine assez agressif, voire gentiment douloureux à l'oreille, et l'ensemble, aux difficultés acoustiques évoquées plus haut près, incite la foule désormais très dense à se rapprocher de la scène pour mieux en profiter. Pour ma part, j'attends de revoir les quatre musiciens dans d'autres conditions, histoire de vérifier si l'équilibre musical est volontaire, mais reste tout de même un poil réservé, car les titres qui s'éternisent un brin finissent par m'ennuyer, et la tentative de remplacement d'une guitare par un sax n'est pas vraiment concluante, tant l'utilisation de cet instrument se fait de manière soft, sans l'emmener là où d'autres, de Steve MacKay avec les Stooges jusqu'aux Foune Curry actuelles, ne brossent pas l'auditeur dans le sens du poil et créent donc un intérêt évident. On reste donc encore un peu circonspect au bout de ces 40 minutes, mais on laisse le bénéfice du doute, à lever lors d'une autre occasion.

Pour être franc, c'est uniquement pour le dernier groupe à l'affiche que je me suis déplacé ce soir (même si je n'avais pas écouté les deux premiers), puisque j'avais été assez bluffé par Fuji-Joe lorsque j'avais vu le trio ici-même fin août. Pour le coup, le groupe revendique un "Post-punk noise" qui correspond bien à ce qui sort des enceintes, dès le premier titre instrumental, avec une guitare qui s'offre par petites touches qui m'évoquent toujours autant Television, une section rythmique bien carrée qui confirme l'aspect post-punk de la chose, et si le show repose beaucoup sur la présence du chanteur-bassiste qui assume son rôle de leader scénique, ses deux acolytes (la guitariste qui assurera quelques chœurs et le batteur bien caché derrière son masque résille et ses fûts qu'il bichonne à souhait) sont de manière évidente au même niveau que lui et ne sont pas le moins du monde des faire-valoir. Le groupe a réuni devant lui une fan-base qui semble s'agrandir au fil des concerts, l'agitation va gagner les premiers rangs assez rapidement, et cela est pourtant un peu en contradiction avec un chant en français très travaillé, des textes dont la déclamation peut évoquer Noir Désir pour les plus anciens dans le public, mais qui créent une tension évidente, prélude à une attention permanente. Ce soir, le groupe a droit à 55 minutes de set, il en profite à plein, pas question de perdre du temps en bla-bla autres que les habituels remerciements, et si les rythmes peuvent varier d'un titre à l'autre, l'énergie reste là, et on attend donc avec impatience le résultat des enregistrements à venir chez l'ami Josh, ce dont le groupe nous causera chez Konstroy à la fin du mois de mars. Une confirmation, ce soir, et une sacrée découverte pour ceux qui n'étaient pas encore convertis !

La suite, ce sera en 2024, en commençant probablement par les Drive With a Dead Girl à la Méca d'ici une quinzaine de jours, même s'il y a des opportunités dans les jours précédents (les Barrocks, par exemple)..