[Egg Idiot/Isolation/Darmstadt] diverses nuances de punk

Date : mercredi 8 mai 2024

En ce mercredi soir, il y a autre chose  faire que de regarder à la télé un bateau entrer dans un port pour déposer une bougie, par exemple aller au Supersonic, qui va vite se trouver bien rempli, puis bondé - en pleine semaine de vacances forcées, c'est plutôt une bonne nouvelle...

C'est un quatuor qui démarre la soirée, visiblement attendu par certains, puisque Darmstadt a remis le pied à l'étrier il n'y a pas si longtemps, après plusieurs années de pause... Et si je n'avais pas été du tout convaincu l'an passé en voyant le quintet d'alors (le préposé aux claviers semblent tombé dans les oubliettes, les deux guitaristes gèrent désormais lesdites machines) à l'Inter, ce soir je dois avouer changer légèrement mon fusil d'épaule. En effet, ce qui m'était alors apparu comme très new-wave et électronique va se soir s'avérer bien plus fourni en guitares, et les claviers vont être bien moins audibles ou désagréables, à tel point que parfois c'est Charles de Goal qui me viendra à l'esprit. Bien sûr, tout n'est pas de mon goût dans cette caresse pop et dadaïste, par exemple le titre (supposé) turn around est bien trop dansant à mon goût, tandis que le plus rock formaté stuck on the ground (là aussi, c'est une supposition) est bien trop carré pour moi, mais le reste du set se laisse plutôt bien écouter, la section rythmique est d'une efficacité impressionnante, n'hésitant pas à rajouter des temps (sur le premier titre joué), histoire de ne pas laisser l'auditeur/spectateur dans un tempo confortable... On n'omettra pas les quelques abus de vibrato du guitariste-choriste, mais c'est plus pour la forme qu'autre chose, car au bout de ces 41 minutes on ne regrette absolument pas d'être arrivé à l'heure, et d'avoir donc pu réviser (positivement) notre jugement de l'an passé...

La soirée continue, avec un poil de retard sur les horaires annoncés (ce n'est pas vraiment l'habitude ici) avec un quintet lui aussi très attendu, puisqu'il s'agit du premier concert d'Isolation, nouveau groupe de Raphaël (ancien chanteur de We Hate You Please Die) et des membres de Cheap Teen. Au menu, entre l'inaugural rita baston et le final we hate you please die, on va retrouver une majorité de titres de WHYPD (les plus rentre-dedans, de can't wait to be fine à coca collapse, en passant par structure ou melancholic rain), l'occasion pour le public de créer à toute vitesse un pogo qui ne cessera d'un bout à l'autre des 42 minutes de set, hormis peut-être lorsque Raphaël descendra dans la fosse (il finira même dessus, et terminera à l'étage...) et s'y accroupira. Les morceaux sont connus par cœur, même si on a parfois le sentiment que les textes ont un peu évolué, mais on retrouve l'énergie de WHYPD, dans cette proximité troublante avec les 80's Matchbox B-Line Disaster, dans le chant comme dans les musiques, et le fait d'avoir deux guitares en rajoute encore dans la puissance dégagée par le groupe. Mais le plus intéressant n'est pas forcément ce retour en arrière de Raphaël (avec Kitano Graffiti, il avait par exemple dépassé cela), mais bien les morceaux originaux du groupe, qui montrent une certaine volonté de monter des morceaux éventuellement plus calmes, plus variés dans tous les cas, et on espère que les prochaines sorties dur scène du groupe le verront affirmer encore plus sa singularité. Non pas que l'on s'ennuie, loin de là, mais l'intérêt est sans doute plus de constituer un vrai groupe plutôt qu'un groupe de reprises... Le public, très agité et heureux, réagit également comme il le faut à l'annonce d'une dédicace en hommage à Steve Albini, et si on aura apprécié l'ambiance archi-chaude qui règne dans la fosse et à ses abords, indépendamment des quantités de bière reçues par ma veste ou mon jean, on attend d'être encore plus emballé par les prochaines créations du quintet, qui semble taillé pour se faire un sacré trou dans le paysage punk rock français !

La soirée va se terminer avec un autre quintet, allemand celui-ci, puisque les Egg Idiot viennent de Leipzig. Avant même que la musique ne démarre, on remarque que les quatre musiciens (une section rythmique masculine, deux guitaristes féminines) sont maquillés, en mode Joker pour la plupart, la guitariste principale ayant un très beau visage à l'envers, mais c'est quand le chanteur arrive sur scène que les choses prennent une dimension encore supérieure, puisqu'il est tout simplement dans un œuf, ce qui ne doit pas l'aider dans sa gestuelle. Mais dès que la musique surgit, on comprend que cette aspect visuel n'est qu'anecdotique, puisque le groupe va nous proposer, l'espace d'une toute petite demi-heure, une succession de petites bombes punk en mode un peu idiot à la Adicts ou Dickies, qui dépassent rarement la minute trente, s'enchaînent quasiment sans pause entre deux morceaux, et mettent la banane sur tous les visages du Supersonic. Qu'on ne s'y trompe pas : si l'allure est rigolote, les morceaux sont carrés, les musiciens ne sont pas des manches, et je dois même avouer que mes craintes initiales quant au chant très trafiqué s'envolent très vite, car cela reste bien plus raisonnable que pour les versions studio des morceaux. Alors vous me direz qu'une demi-heure c'est court, et je ne pourrai qu'abonder dans votre sens, mais on ne va pas se plaindre, cet set très court aura été la (petite, donc) cerise sur un beau gâteau, qui montre également que les soirs de concerts peuvent se suivre sans vraiment se ressembler...

La suite, ce sera probablement dès ce jeudi soir, au Cirque Électrique pour y tester The Conformists.