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l'ayatollah du rock
19 juillet 2015

[Dour 2015]

Date : dimanche 19 juillet 2015

 

Je ne suis pas vraiment un grand adepte des festivals, mais c’est ma première occasion d’aller à celui de Dour, en Belgique, cette petite sortie hors de France se faisant sous le signe de l’absence de pluie (au départ de Paris, ce dimanche matin, le pire était pourtant à craindre). L’arrivée sur le site (immense, avec des espaces de camping à faire rêver) est plus tardive que prévue, car un léger bouchon s’est formé à l’heure de rentrer dans les espaces de parking, mais comme tout se passe dans la bonne humeur (ben oui, c’est la Belgique ici !), on ne se formalise pas trop de rater le début des concerts…

 

On se dépêche tout de même de filer jusqu’à la "Cannibal Stage", un immense chapiteau (qui va presque devenir l’espace d’une après-midi notre résidence secondaire), car les très anglais Eagulls que j’avais déjà vus et appréciés en première partie des Jesus and Mary Chain ont déjà entamé leur set depuis un bon quart d’heure (oui, les horaires sont bien fixes, et les débordements quasi impossibles). Comme à la Cigale, on retrouve du bon et du moins bon chez le quintet (2 guitares, une basse, une batterie et un chanteur), les sonorités très new wave pouvant osciller de Cure aux Smiths (ah, cette voix frisant l’insupportable Morrissey !), mais pour être honnête c’est une entrée en matière très acceptable pour le festival, l’équilibre étant plutôt réussi, la preuve, on reste jusqu’au bout du set…

 

Le temps d’aller jusqu’au bar (via le distributeur de tickets, il n’y a pas d’échange d’argent sur le site), de se réhydrater un brin, de remarquer le côté écolo du festival (je ne parle pas de la boue qui envahit certaines zones, mais du principe « tu ramènes 40 verres en plastique, tu as une boisson gratuite », ce qui incite bon nombre de participants à aller à la cueillette aux verres usagés), et on retourne vers la "Cannibal Stage", pour tester les petits Circa Waves, originaires de Liverpool comme certains glorieux anciens, et qui font le buzz depuis quelques temps. Et le moins que l’on puisse dire est qu’après une intro extrêmement énergique (et intéressante, donc), le quatuor (basse-batterie-2 guitares dont le chanteur) a tendance à tomber dans un modèle assez répétitif et peu innovant, évoquant des Jesus and Mary Chain optant délibérément vers la pop, ou des Strokes ou Franz Ferdinand au petit pied. Ce n’est pas que ce soit mal fait, c’est juste qu’on s’emmerde à cent sous de l’heure, et que la réponse que je me posais avant le concert (« dois-je ou pas aller les voir en concert en octobre à Paris ? ») a désormais une réponse claire et nette, définitivement et totalement négative.


On en profite pour aller se balader sur le reste du site, entre les 8 scènes (dont une immense scène en plein air, plutôt dédiée au reggae/hip-hop, et quatre scènes sous chapiteaux) qui diffuseront plus de 60 concerts rien qu’aujourd’hui, le festival en étant à son 5e et dernier jour, vous imaginez le nombre de musiciens qui a pu s’exprimer ici. Il y a une scène expérimentale, une scène purement électro, du dub, bref à peu près pour tous les goûts (bon, pas trop de métal ou de punk, visiblement), et les spectateurs (près de 230 000 sur les 5 jours !) bougent beaucoup entre les différents espaces, arborant des tenues pour le moins variées, des déguisements de plus ou moins bon goût (du bobby anglais aux carnavaleux revenus de Dunkerque) aux bottes en plastiques aux coloris multiples en passant par les mini-shorts ou les t-shirts aux slogans les plus divers…
La démesure incite souvent à se raccrocher aux valeurs sûres, alors on retourne vers la "Cannibal Stage", on est là pour faire des découvertes, alors on écoute le début du set de the Bohicas, le quatuor (encore anglais) ayant pour lui de mettre les guitares bien en avant et d’avoir une belle attitude scénique. Cependant, cet a priori plutôt favorable a tendance à se déliter rapidement au fil du set, car on constate une voix assez passe-partout, quelques solos de guitares largement superfétatoires, et plus généralement une tendance à se la jouer radio-friendly, la tentation du rock FM étant souvent presque atteinte avec une set-list de moins en moins intéressante à chaque nouveau titre. Une fois de plus, ce n’est pas encore la découverte espérée !

 

On change de scène, en allant écouter the Strypes sur la "Last arena" (la grande scène, pour être clair), groupe que l’on avait découvert et plutôt apprécié sur son premier album. Visuellement, le chanteur et son look très marqué symbolise bien la relation voulue et affirmée avec le mouvement mod, mais musicalement c’est une toute autre histoire. En effet, effet direct de son t-shirt Nirvana ou pas, le guitariste s’éloigne assez nettement du rhythm and blues auquel on s’attendait (ou que j’attendais) pour aller traîner vers un rock’n’roll bien plus anodin, l’exemple-type étant cette reprise un peu speedée mais guère transcendante du i’m the man de Joe Jackson, signe que les quatre jeunots ont des références mais sans doute du mal à ne pas les mélanger de manière malencontreuse…

 

Qu’à cela ne tienne, on se dirige donc vers "la petite maison dans la prairie", histoire de vérifier que les Ingalls ont laissé les lieux en bon état, et qu’ils ont été remplacés par des musiciens de talent. Ce sont donc les Palma Violets (devinez d’où est le groupe ?) qui ont rameuté la foule, et leur rock indé (je sais, ça ne signifie pas grand-chose) possède l’avantage d’avoir un chant exécuté par le guitariste et le bassiste, ce qui tourne souvent à la cacophonie mais nous éloigne du « soniquement correct » auquel on a assisté quasiment depuis le début de l’après-midi. Bien sûr, lorsque les claviers sont mis en avant on a tendance à vouloir prendre la poudre d’escampette, mais cela ne dure jamais plus d’un titre à la fois, et comme le groupe possède plein de références très diverses (psyché, donc, mais aussi garage ou punk) qu’il sait bien utiliser, on peut globalement apprécier la prestation pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pas exceptionnelle mais plutôt originale, et si le guitariste-chanteur arbore un chapeau hésitant entre le Stetson et le sombrero, cette faute de goût ne gâche pas ce moment sympa (on n’ira pas plus loin dans la dithyrambe, tout de même).

 

On n’attend tout de même pas la fin du set avant de retourner vers la "Cannibal Stage", car c’est un peu (essentiellement, voire exclusivement, même) pour La Muerte que nous avons effectué le trajet depuis Paris, d’ailleurs je suis déjà passé prendre mon t-shirt (j’ai longuement hésité, songeant à la délicatesse de mes collègues de travail…) au merchandising avant même que le groupe n’ait terminé sa balance. En dix ans, de 1984 à 1994, le groupe belge a dynamité la scène rock (au sens large) de son pays, et comme j’ai à l’époque raté les performances du groupe, comme celles éparses des rares reformations depuis lors, je suis sur des charbons ardents à l’heure où les lumières s’éteignent. Les lumières électriques, oui, mais pas les bougies placées sur les chandeliers autour de la tête de mort sur l’autel, une immense tenture placée derrière la batterie arborant la symbolique habituelle du groupe, convoquant le scorpion, le chiffre 13, les armes, le drapeau à damiers, bref en un coup d’œil on sait qu’on ne s’est pas trompé d’adresse. Une intro de musique de film (un Bruce Lee, peut-être ?), le premier guitariste arrive sur scène, suivi des autres musiciens (un deuxième guitariste, un bassiste et un batteur), et le show peut commencer. La musique est lourde, dans le sens heavy-rock mais pas vraiment métal (je ne le supporterais assurément pas), il y a une énergie énorme qui ne sombre jamais dans la répétition, et lorsque le chanteur arrive sur scène, en pull rayé et la tête cachée sous un sac en toile de jute (certains y voient des références à Leatherface et Freddy…), la tension monte encore d’un cran. Tension, mais également attention, car le chant d’outre-tombe est difficilement audible au début de la prestation, il faut bien se concentrer pour l’entendre et comprendre ce qui se dit/chante/grommelle. Une cagoule empêche donc d’apercevoir quoi que ce soit du visage du chanteur, mais cela ne peut qu’aider à braquer tous les regards sur lui, il n’a ainsi pas besoin d’en faire des tonnes, visuellement parlant, et en quelques gestes il est impossible d'espérer le quitter les yeux, ce qui laisse aux musiciens la possibilité de ne s’intéresser qu’à leurs parties, ce qu’ils font à merveille. Bien sûr, la puissance et la violence du groupe (à l’écoute, uniquement) ainsi que les quelques soucis acoustiques (et techniques, il y a de l’ampli mort dans l’air) n’aident pas à reconnaître les titres, par exemple avec un i would die faster (pourtant incontournable) qui n’est pas deviné dès les premières secondes. Le groupe, composé des deux membres fondateurs (guitariste et chanteur) et de trois nouveaux, s’appuie sur ses titres forts (black god white devil, écoute cette prière…) en respectant les structures mais avec des fines modifications, on n’est pas dans la copie des originaux, chacun apporte sa pierre à un édifice qui devient de plus en plus impressionnant au fil des minutes. Sans prendre le temps d’échanger avec le public (je rappelle qu’il n’y a qu’une heure de prévue), les morceaux s’enchaînent, ceux qui découvrent le groupe sont estomaqués tandis que les addicts jubilent en l’extériorisant à plein, soit en dansant/pogotant, soit en sifflant-hurlant-applaudissant pendant les rapides pauses. On regrette un poil de constater que le chapiteau semble moins rempli que pour les groupes de l’après-midi, sans doute les festivaliers ne sont-ils pas habitués à de telles déflagrations, et préfèrent-ils des choses plus légères et easy listening. Pour ma part, dès les premières notes de shoot in your back, mon morceau fétiche, je suis dans un état second, mais cet état de fait perdure tout au long du concert, les craintes de la préposée au merch (« j’espère que vous n’allez pas être déçu ») n’ayant pas dépassé la dizaine de secondes… Le cœur battant la chamade, on ingurgite avec un plaisir extrême les 13 morceaux exécutés ce soir (un nombre évidemment pas innocent), le kustom kar kompetition d’anthologie précédant les deux reprises du jour, un lucifer sam rafistolé des Pink Floyd (il n’y a que comme cela que je les supporte !) et le wild thing hérité des Troggs que je suppose conclure habituellement les concerts. Au bout de ces 63 minutes (yes, la barrière de l’heure prévisionnelle est tombée !), le groupe peut quitter la scène avec la satisfaction du travail accompli (et de quelle manière !), en laissant quelques larsens le temps que les roadies viennent s’occuper de débarrasser la scène.
Après une telle démonstration de force, je me demande encore comment et pourquoi je n’ai pas vu le groupe à l’époque, mais surtout j’espère le revoir bientôt, une hypothétique prestation parisienne (on ne peut pas aller tout le temps en Belgique) pouvant permettre des conditions acoustiques bien meilleures, telles celles captées ici à l’Ancienne Belgique en mars…

Vous comprenez bien qu’on ne cherche pas à écouter autre chose avant de retourner vers nos pénates parisiens, il y a de la route à faire en se remémorant ce fantastique concert, qui permet au passage de ne pas tenir rigueur aux autres groupes écoutés pendant la journée : rien que pour La Muerte, il fallait être là !
 

Set-list (très partielle au départ, elle a été complétée par le groupe lui-même, de grand seigneurs en plus !) :

  1. I lost my hand
  2. I would die faster
  3. Wild fucker
  4. Black god white devil
  5. Burst my soul
  6. Écoute cette prière
  7. Shoot in your back
  8. Serial killer
  9. Couteau dans l’eau
  10. L’essence des chocs
  11. Kustom kar kompetition
  12. Lucifer sam
  13. Wild thing

 

La suite, ce sera sans doute dès mercredi à la Comedia, avec les Kumbia Queers argentino-mexicaines.


PS : la musique d'intro de La Muerte est en fait celle de Navajo Joe (film de Sergio Corbucci), composée sous le pseudo de Leo Nichols par Ennio Morricone. Merci à La Muerte pour cette précision !
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Commentaires
S
J'adore ce compte rendu! Et suis complètement d'accord avec tout, excepté le truc sur les Smiths et Pink Floyd...
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S
C'est vrai quel jeu de mot débile : hotel California, y a pas idée !
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R
Badidon, heureusement qu'il y avait La Muerte au vu de l'éloge faite aux autres groupes... ! :)<br /> <br /> T'aurais pas par hasard des petites photos de la scène, la description que t'en fais rend curieux.<br /> <br /> Pour le masque en toile de jute, j'aurais plutôt pensé au méchant là dans Batman Begins, Cillian Murphy !<br /> <br /> <br /> <br /> Et sinon dis moi les Eagulls, n'auraient ils pas pu se reconvertir en Griffon Vultures, très présents dans la région ces dernières semaines de chaleur...
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