[Pere Ubu] merdre !
Date : 27 septembre 2009
Même si la Maroquinerie n'affiche pas complet ce soir, le public est tout de même assez nombreux, composé de fidèles, avec assez peu de très jeunes spectateurs, et la température dans la salle ne laisse pas croire qu'on est déjà en automne, sans qu'il y ait besoin d'allumer les moindres feux ou cigarettes, seuls les artistes étant autorisés à s'en griller une petite en cas de besoin...
Formé dès 1975, le groupe américain (Cleveland, Ohio) Pere Ubu a œuvré dans le pré-punk puis très vite dans le post-punk, puis dans un bon nombre de styles plus divers, sans vraiment chercher à suivre une quelconque mode ou un quelconque sens commercial à la chose, la définition la plus courante, quoique pas forcément sérieuse, tenant en l'expression "Avant-Garage"... Après plus de trente ans de carrière, l'idée est venue au groupe, et sans doute plus particulièrement à son membre fondateur-leader David Thomas d'opérer une relecture du Ubu de Jarry, ce qui est l'occasion d'un nouvel album "Long Live Pere Ubu" et d'une nouvelle tournée qui propose une mise en scène mi-théâtrale, mi-musicale de la pièce, adaptée en anglais, ce qui peut largement défriser certains et surtout poser de grands problèmes de compréhension à pas mal d'autres...Accompagné de ses 5 musiciens (batterie, basse, guitare, synthé+theremin, bidouillages électroniques divers) qui s'essaient tous plus ou moins au jeu d'acteur, David Thomas est Ubu, dans un grand imperméable noir, et si les images et textes projetés en vidéo donnent une idée vague de ce qu'il se passe sur scène, il faut vraiment se concentrer sur Thomas, qui campe un Ubu plus vrai que nature ! On a du mal à savoir à quel point le cognac et les problèmes techniques influent sur l'humeur du bonhomme, ou s'il cabotine toujours autant que cela, mais étant donné que ce soir il doit interpréter à la fois le Père ET la Mère Ubu, on sent assez souvent des grands flottements, qui font sourire les musiciens qui se plient sans rechigner à de nouveaux départs des titres, le cahier de textes est l'instrument indispensable à tout un chacun pour savoir où il en est dans l'interprétation, on se marche un peu sur les pieds, mais dans une bonne humeur non feinte, le rôle d'ours endossé par Thomas étant assez rapidement compris par les spectateurs comme tel et n'effrayant plus grand monde au final... Jouée en deux parties de 45 minutes séparées par un entracte de 20 minutes, la pièce est donc l'occasion pour les musiciens de s'amuser visuellement et/ou physiquement, mais il ne faudrait pas oublier la musique, qui est loin d'être accessoire et fait comprendre pourquoi ce groupe reste mythique près de 35 ans après ses débuts : énergie, basse lourde, voix étonnante (on sent du John Lydon, parfois), atmosphères bien développées (comme chez Crime & the City Solution, au hasard...), on est parfois loin du post-punk, mais le côté expérimental est très rarement auto-centré sur le groupe, les titres sont faits pour être écoutés, ressentis, appréciés au premier degré, et on ne peut pas nier qu'ils atteignent largement leur objectif !
Après 1h35 de spectacle jarryesque, et avant de fermer les portes, le groupe revient sur scène pour interpréter quelques morceaux "classiques", qui sont vivement appréciés par le public, et permettent sans doute aux esprits chagrinés par la pièce de rentrer chez eux avec le sentiment d'avoir tout de même assisté à un grand événement, le rappel formant pour le reste du public la cerise sur un sacrément beau gâteau !
Une grosse semaine de repos avant sans doute le retour de Bob Log III au Point FMR...